Union africaine

Quel sera l’impact du nouveau Conseil de paix et de sécurité ?

Face au délitement des réponses multilatérales aux problèmes de paix et de sécurité, les nouveaux membres pourront-ils améliorer l’efficacité du Conseil ?

La 37e session ordinaire de la Conférence de l’Union africaine (UA) a élu dix membres au Conseil de paix et de sécurité (CPS) pour un mandat de deux ans. En cette période difficile pour les initiatives régionales, continentales et multilatérales face aux crises, le nouveau Conseil est confronté à une tâche titanesque. Il devra en effet répondre avec plus d’efficacité aux nombreux problèmes de paix et de sécurité de l’Afrique, tout en prévoyant, en anticipant et en prévenant les défis à venir. Les nouveaux membres du CPS y parviendront-ils ou maintiendront-ils le statu quo ?

Tirer parti de la réforme du CPS

L’élection des nouveaux membres coïncide avec deux événements majeurs qui ne manqueront pas d’influencer le mandat du CPS. En mai 2024, le Conseil fêtera le vingtième anniversaire du lancement de ses activités, après l’adoption en 2002 et l’entrée en vigueur en 2003 du protocole relatif au CPS. Cet événement doit s’accompagner d’un indispensable bilan de ses stratégies de prévention des conflits et de gestion des crises. De par leur enthousiasme, ces nouveaux membres sont en mesure d’examiner d’un œil plus lucide le mandat du Conseil face à des questions de paix et de sécurité de plus en plus complexes.

Cette élection intervient alors que des discussions sont en cours sur l’examen de l’architecture africaine de paix et de sécurité (APSA), requis par le Conseil en juillet 2023. Ce processus exige de repenser la conception et la mise en œuvre des cadres de paix et de sécurité de l’UA. Le CPS étant le pilier décisionnel central de l’APSA, il est primordial de renforcer son rôle et sa fonction. Un tel chantier implique un réexamen de la composition du Conseil, de l’adéquation de ses ressources humaines et financières et de ses capacités, ainsi qu’un renforcement des modalités de mise en œuvre de ses décisions.

Les nouveaux membres sont en mesure d’examiner d’un œil plus lucide le mandat du Conseil

Il est important que les nouveaux membres apportent une nouvelle dynamique aux engagements du Conseil, afin de générer des idées novatrices et de maintenir l’intérêt pour les processus en cours. Les nouveaux venus tels que l’Angola, la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo (RDC), l’Égypte et la Sierra Leone, qui ont bénéficié d’une gestion continentale de leurs transitions et de leurs conflits, pourraient contribuer de manière significative à ce réexamen. Les expériences, les connaissances et l’expertise sont cruciales pour affiner les mécanismes et les processus.

Quitter le Conseil

Le Burundi, le Congo, le Ghana, le Sénégal, l’Afrique du Sud, la Tunisie et le Zimbabwe ont quitté le Conseil le 31 mars 2024 après deux années de réussites notables. Le Ghana, par exemple, s’est fait le champion de la réponse de l’UA aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, en organisant des forums à Accra en 2022 et 2024. En dépit de pressions considérables, il a présenté plusieurs sujets sensibles pour discussion, notamment la crise du Tigré et les récentes tensions entre l’Éthiopie et la Somalie concernant le Somaliland.

De son côté, le Burundi a profité de son mandat pour défendre le rôle de la jeunesse, tandis que l’Afrique du Sud, l’un des principaux contributeurs financiers au budget de l’UA, a été déterminante dans l’application des normes. Ces membres clés quittent le Conseil alors que ses performances sont affectées par des défis majeurs, notamment la résurgence des changements anticonstitutionnels de gouvernement et les conflits au Soudan et en RDC. Les membres sortants prennent congé d’un Conseil soumis à une pression accrue dans un contexte d’affaiblissement des capacités de prévention et de réponse.

Les nouveaux membres peuvent-ils changer la donne ?

Lors de leur récente investiture, l’Angola, le Botswana, la Côte d’Ivoire, la RDC, l’Égypte, la Guinée équatoriale et la Sierra Leone ont fait montre d’un grand enthousiasme et d’une énergie débordante pour s’attaquer aux problèmes du continent. Toutefois, comme nous l’avons mentionné, leur réussite dépendra en grande partie de leur volonté politique, de leur capacité à travailler ensemble et du caractère concret et applicable des décisions prises par le Conseil.

Les nouveaux membres donneront-ils priorité aux défis du continent ou à leurs intérêts nationaux ?

La volonté des membres de promouvoir les priorités du continent pour orienter les décisions et les résultats et non de servir leurs intérêts nationaux sera également déterminante. Certains États membres semblent malheureusement d’ores et déjà aller dans le mauvais sens. Des tensions croissantes entre la RDC et le Rwanda, par exemple, ont commencé à apparaître, le Rwanda s’opposant fermement à l’approbation par le CPS de la mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe dans l’est de la RDC. Les priorités de l’Égypte seront vraisemblablement guidées par sa volonté de trouver des solutions aux nombreux conflits qui sévissent dans les pays voisins et à leurs répercussions.

Ce à quoi il faut s’attendre

Les nouveaux membres façonneront la dynamique du Conseil des années à venir, en définissant les thèmes et les situations nationales à inscrire à l’ordre du jour. L’arrivée de membres considérés comme des « puissances régionales » pourrait permettre de discuter plus régulièrement de certaines crises, comme celles qui touchent l’est de la RDC et le Soudan. Il reste à voir si, dans sa nouvelle composition, le CPS sera en mesure de modifier de manière substantielle les décisions et les résultats de ses communiqués, ainsi que leur mise en œuvre ultérieure par la Commission.

La capacité ou l’incapacité des pays à parvenir à un consensus régional aura des implications importantes. L’atteinte d’un tel consensus dépendra de la consultation des États membres et de leur aptitude à définir des positions régionales en cas de crise. Par exemple, la capacité de la RDC à influencer et à harmoniser les positions des autres membres du Conseil représentant l’Afrique centrale, à savoir le Cameroun et la Guinée équatoriale, pourrait déterminer leur soutien dans la recherche de solutions dans l’est du pays.

De même, bien que située géographiquement en Afrique du Nord, la capacité de l’Égypte à établir un consensus en Afrique de l’Est avec la Tanzanie et l’Ouganda pourrait renforcer les décisions du Conseil pour résoudre la crise qui sévit au Soudan. Par conséquent, les dynamiques intrarégionales et interrégionales façonneront le Conseil, son action et son efficacité. En outre, les membres du Conseil sont tenus de définir de manière individuelle et indépendante leurs positions sur les différentes crises qui frappent le continent afin d’éviter toute influence indue.

La sortie des sept États membres pourrait aboutir à l’examen de nouvelles questions

La sortie des sept États membres pourrait aboutir à l’examen de nouvelles questions. Lorsqu’ils siègent au Conseil, les États membres ont souvent tendance à bloquer toute discussion sur des questions d’ordre national. La crise constitutionnelle en Tunisie et la lente dérive autoritaire des autorités du pays, ainsi que la mauvaise gouvernance et les violations des droits de l’homme au Zimbabwe, n’ont pas été abordées au cours des deux dernières années, mais elles peuvent désormais l’être. Toutefois, si la tendance à débattre de questions thématiques plutôt que de situations nationales persiste, on continuera à se demander si les pays membres sont réellement mus par des intérêts panafricains.

Avec quelles ressources ?

Les nouveaux États membres sont confrontés à une tâche colossale, celle de rectifier la stratégie et d’améliorer l’efficacité du Conseil. Si, à première vue, ceux-ci semblent enthousiastes à l’idée de combler les lacunes des méthodes de travail du Conseil, le véritable défi consiste à maintenir cet élan tout au long de leur mandat de deux ans. Cela nécessitera une consultation et une collaboration renforcées avec la Commission de l’UA, la Conférence de l’UA, les autres organes de l’UA, la société civile et les partenaires extérieurs. Il faudra pour cela que le Conseil dispose de ressources suffisantes et qu’il use des pouvoirs politiques et de ses compétences techniques comme le prévoit le protocole.

Il devra ainsi s’attaquer aux conflits en cours et prévenir les conflits à venir. Il doit saisir l’occasion que lui offrent la réforme de l’UA et les efforts de revitalisation de l’APSA, et tirer parti des célébrations entourant son vingtième anniversaire pour informer et améliorer son travail de manière substantielle.

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