Who's who in northern Mali?

To achieve national reconciliation in Mali, the government that emerges from elections this year must take into account the needs of all of northern Mali's diverse communities.

English follows

Qui est qui au nord du Mali?

Après d’intenses négociations, un accord vient d’être signé à Ouagadougou, entre les autorités maliennes de la transition et les groupes rebelles Touaregs, sous l’égide du médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré. Engagées depuis le 8 juin 2013, ces discussions directes avaient pour principal objectif de créer les conditions pour la tenue de l’élection présidentielle, prévue en juillet 2013, sur toute l’étendue du territoire.

Pris entre la pression de l’opinion publique nationale, largement hostile aux groupes rebelles Touareg, et celle de la communauté internationale, fortement impliquée dans la recherche d’une solution au problème de Kidal, toujours occupée par les rebelles, Bamako a demandé trois amendements à l’accord initial. Ils concernaient en particulier les modalités de l’entrée de l’armée malienne à Kidal, la question de la suspension des poursuites à l’encontre des rebelles Touareg recherchés par la justice malienne et la présence dans l’accord du mot “Azawad”, nom du territoire revendiqué par les mouvements rebelles indépendantiste.

En prélude aux négociations, les rebelles Touareg se sont regroupés en délégation conjointe, Haut Conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) et Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). En outre, dès les premiers jours des discussions, le mouvement arabe de l'Azawad (MAA) et le Mouvement des forces patriotiques de résistance (MFPR), ont été reçus à Ouagadougou par le médiateur de la CEDEAO, à la demande des autorités maliennes. Ces développements illustrent, d’une part, la volonté des mouvements armés Touareg de parler d’une seule voix, de l’autre, la volonté du gouvernement malien de ne pas limiter les négociations aux seuls rebelles Touareg, même si ces négociations doivent avoir lieu dans le cadre d’un accord subséquent qui doit être négocié après l’élection du nouveau président et la mise en place d’un nouveau gouvernement. Ces développements rappellent surtout l’importance de prendre en compte la diversité du nord Mali dans le processus de paix en cours et rendent nécessaire un rappel des différents groupes, armés et non armés, présents dans la zone.

En termes de démographie, selon les chiffres de la Direction nationale des statistiques du Mali, au terme du dernier recensement général provisoire de la population et de l’habitat conduit en 2009, les populations tant nomades que sédentaires des trois régions du nord (Tombouctou, Gao et Kidal) représentent au total à peu près 10% de la population nationale. En ce qui concerne les nomades, ils se répartissent en trois principaux groupes, les Touareg (environ 1,7% de la population nationale), les Arabes incluant les Maures et les Kountas (1,2% de la population nationale) ainsi que des pasteurs nomades peulhs (non déterminés dans le recensement). Les sédentaires sont en majorité des Sonrhaï et des Tamasheq noirs appelés Bella (environ 7%). Les Sonrhaï constituent la communauté majoritaire dans ces régions du Nord.

S’agissant des Touareg, qu’on appelle aussi Kel Tamasheq (ceux qui parlent Tamasheq), ils forment une communauté fortement hiérarchisée et constituée de plusieurs tribus. Dans cette communauté, aujourd’hui dominée socialement par les Ifoghas, qui ne constitue toutefois pas la majorité numérique, le patriarche, dit Amenokal, et actuellement incarné par Attaher Ag Intallah, exerce son autorité sur le reste des fractions. Au bas de l’échelle, on retrouve les Tamasheq noirs, dits Bella, considérés comme des esclaves.

Les Sonrhaï constituent une société tout aussi hiérarchisée. Cette société comprend trois principaux groupes: les nobles, les hommes de caste et les serfs. La classe des nobles est constituée principalement des grandes familles autochtones ainsi que des marabouts qui sont les détenteurs du pouvoir religieux. Les hommes de castes comprennent les Sorko et les Gabibi. Quant aux serfs, ils incluent les Bella affranchis qui exercent les activités quotidiennes de la vie de la cité (manufacture, petit commerce, travaux domestiques, etc.).

En ce qui concerne les arabes, ils se divisent principalement en deux groupes, ceux qui font le commerce, les Barbich et les Kountas pratiquant la religion musulmane, généralement détenteurs de la chefferie traditionnelle de la tribu. Le pouvoir, dans le milieu arabe, repose sur la pratique islamique.

Quant aux pasteurs Peulhs, pratiquant l’élevage et le commerce de bétails, ils sont en contact avec toutes les autres communautés. On les retrouve donc un peu partout au nord du pays.

Les rapports entre ces communautés sont historiques, même si souvent conflictuels. Bien avant l’indépendance du Mali, les violences sociales et intercommunautaires existaient déjà entre elles. Les arabes commerçants et les Sonrhaï reprochaient aux Touareg les razzias qui sévissaient dans la région. En outre, des affrontements entre les populations nomades, d’un coté, et entre populations nomades et sédentaires, de l’autre, sont récurrents et chaque communauté se dit maître du terroir.

C’est dans cette région multiculturelle du septentrion malien que sévit, depuis le 17 janvier 2012, une profonde crise sécuritaire déclenchée par la rébellion d’un groupe armée Touareg, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), contre le pouvoir central de Bamako. Le MNLA a été chassé des grandes agglomérations du nord par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) et Ansar Ad-dine (créé par le Kel Tamasheq Iyad ag Ghali) avant de se rétablir à Kidal à la faveur de l'opération Serval.

Créé en octobre 2012 et dirigé par Billal Ag Acharif, le MNLA est une fusion de plusieurs mouvements rebelles, dont notamment, le Mouvement national de l'Azawad (MNA), fondé en novembre 2010, du Mouvement Touareg du Nord-Mali (MTNM), principal animateur des rébellions de 2006 et 2009, ainsi que du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA), un groupe de combattants salafistes. Des groupes d'ex-rebelles Touareg du régime déchu de Mouammar Kadhafi sont venus renforcer militairement le MNLA.

Parallèlement au MNLA, un autre groupe de combattants rebelles réclamant l’autodétermination de l’Azawad a été créé par des dissidents du Mouvement Ansar Ad-dine et du MNLA, en janvier 2013. Le Mouvement islamique de l'Azawad (MIA) est dirigé par l’un des fils de l’Amenokal de Kidal et proche d’Iyad ag Ghali, Alghabass Ag Intallah.

Le 5 mai 2013, un transfuge du MNLA, Mohamed Ag Intallah, un autre fils de l’amenokal de Kidal, Attaher Ag Intallah, a mis en place un autre groupe, le Haut conseil de l’Azawad qui est devenu deux semaines plus tard, le Haut conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA), mouvement fédérateur des groupes rebelles Touareg. L’Amenokal Attaher Ag Intallah, en annonçant, dès le 18 mai 2013, qu’il ralliait le HCUA, a rendu difficile la possibilité, pour d’autres membres de la communauté, de contester la légitimité de cette structure. Le 19 mai 2013, Alghabass Ag Intallah annonce la dissolution du MIA et se rallie à son frère aîné, Mohamed Ag Intallah. Le même jour, ils sont rejoints par le MNLA.

Parallèlement à ces mouvements rebelles, il existe aussi deux principaux groupes d’autodéfense sonrhaï et arabe, le Ganda-Izo et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), respectivement.

Le Ganda-Izo, qui signifie fils du Terroir, est né du groupe d’autodéfense des Sonrhaï qui a existé pendant les rebellions des années 1990, le Ganda-Koy. Avec la rébellion déclenchée en janvier 2012, ils ont mis en place, sous la direction de Ibrahima Abba Kantao, plusieurs groupes de milices à Sévaré et à Gao.

Le Front national de libération de l’Azawad (FNLA), créé en avril 2012, est devenu, en décembre 2012 sous la direction de Ahmed Ould Sidi Mohamed, le MAA. Ce mouvement arabe d’autodéfense dispose, depuis le début de la crise, d’importantes milices armées dans le Nord qui sont composées de certains officiers déserteurs de l’Armée malienne.

A côté de ces groupes armés, il existe d’autres acteurs non armés qui ont des revendications politiques. Certains Touareg ont, par exemple, créé des regroupements sociopolitiques dont l’Organisation des Sociétés civiles de l'Azawad (OSCA) et la Plateforme des cadres et intellectuels Kel Tamasheq. Les sédentaires comptent également des mouvements civils notamment, le Collectif des ressortissants du Nord (COREN), l’Association des Tamasheq noirs (TEMDET) et les Forces patriotiques de Résistance (FPR), aile politique du Ganda-Koy, dirigées par Me Harouna Toureh.

Avec en toile de fond une telle diversité sociologique, il est important, pour les autorités maliennes et les partenaires internationaux, de prendre en compte les revendications légitimes de toutes les communautés pour l’établissement d’une paix durable dans le pays. Aujourd’hui, les différents groupes armés touareg regroupés au sein du HCUA et invités à la table des négociations à Ouagadougou sont composés majoritairement de personnalités issues de la tribu des Ifoghas. Or, ces derniers ne représentent qu’une partie de la communauté Touareg qui, du reste, constitue une minorité au sein des populations du nord du Mali. La majorité des Touareg n’appartient à aucun groupe armé et est installée à Bamako ou se trouve actuellement réfugiée dans les pays voisins du Mali.

Dans la mémoire de nombreux Maliens, le règlement des rebellions précédentes s’est soldé par des accords, perçus comme étant laxistes, avec les groupes armés. Or, le sous-développement, la gouvernance, la cohésion sociale et la sécurité sont des problématiques qui concernent toutes les communautés maliennes au nord comme au sud. Ces questions, non prises en compte dans l’accord de Ouagadougou, mais dont dépendra la résolution durable de la crise, devront être au centre des négociations menées par le gouvernement issu des élections.

Baba Dakono, Junior Fellow, Prévention des conflits et Analyse des risques, ISS Dakar

Ce travail a été mené grâce à un appui du Centre de recherche en développement international du Canada (CRDI) basé à Ottawa au Canada.

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Who's who in northern Mali?

After intense negotiations, an agreement has been signed in Ouagadougou between Malian transitional authorities and Tuareg rebel groups under the aegis of the mediator of the Economic Community of West Africa States (ECOWAS), President Blaise Compaoré of Burkina Faso. Undertaken since 8 June 2013, these direct talks were aimed at creating the conditions necessary for holding presidential elections, scheduled for July 2013.

The central authority in Bamako has found itself caught between the pressure of domestic public opinion, which is largely hostile to Tuareg rebel groups, and the weight of the international community, which is heavily invested in solving the problem of rebel-occupied Kidal. As a result of this predicament, Bamako has asked for three amendements to the original agreement. These relate to the redepoyment of the Malian army in Kidal, the suspension of the prosecution against Tuareg rebels sought by the Malian justice system and the inclusion of the word ‘Azawad’ – the name of the territory claimed by the separatist rebel movements – in the language of the agreement.

As a prelude to negotiations, the Tuareg rebels have formed a joint delegation comprising the High Council for the Unity of Azawad (HCUA) and the National Movement for Liberation of Azawad (MNLA). In addition, the Arab Movement Azawad (MAA) and the Movement of Patriotic Forces of Resistance (RSFF), were received in Ouagadougou by the ECOWAS mediator at the request of the Malian authorities. These events illustrate two major developments. Firstly, the HCUA symbolizes the attempt by armed Tuareg movements to speak with one voice. Secondly, the presence of the MAA and RSFF in Ouagadougou demonstrates that the Malian government will not limit the scope of negotiations to Tuareg rebels alone, even if such negotiations are to be conducted only after the presidential election. These developments underscore the importance of accounting for the diversity of northern Mali in the ongoing peace process. Thus it is necessary to distinguish and define the various groups, armed and unarmed, in this area.

According to the National Statistics Directorate of Mali, nomadic and sedentary groups in Mali’s three northern regions (Timbuktu, Gao and Kidal) form about 10% of the country’s population. The nomads fall into three subgroups: Tuaregs (1.7% of the population), Arabs (1.2% of the population) and Fulani pastoralists. The sedentary groups (forming about 7% of the total population) are the Sonrhai and black Tamasheq, with the Sonrhai forming the majority community in the northern regions.

The Tuaregs are a hierarchical society and consist of several tribes. This community is currently dominated by the Ifoghas, whose patriarch, Attaher Ag Intallah, has authority over the rest of the tribal factions. At the bottom of the social scale are the black Tamasheq people, who are considered slaves. The Sonrhai people are also a hierarchical society consisting of three subgroups: the nobles, the caste men and the serfs. The noble class includes those who hold religious power. Caste men include the Sorko and Gabibi people. The serfs are mainly involved in activities such as manufacturing, small business and domestic work. The Arabs are subdivided into the Barbich, who are traders, and the Islamic Kountas, who traditionally hold power. The Fulani pastoralists (farmers and cattle traders) are in contact with all the other Malian communities and are found everywhere in the north of the country.

The relationships between these various communities are historically often conflictual, even before Mali’s independence. For example, Arab traders and the Sonrhai hold the Tuaregs responsible for the raids that prevailed in the north. Clashes among the various nomadic groups, and between the nomadic and sedentary peoples, are recurrent, with each community claiming ownership of the territory.

It is within this complex multicultural social context that the armed Tuareg group, the National Movement for the Liberation of Azawad (MNLA), triggered a deep security crisis when it launched its rebellion against the authorities in Bamako in January 2012. The MNLA was subsequently expelled from its strongholds in the north by Al-Qaeda in the Islamic Maghreb, the Movement for Oneness and Jihad in West Africa and Ansar Ad-Din (created by the Tuareg Iyad ag Ghali) before it reformed in Kidal following the French military intervention.

Officially declaring its name in October 2012 and directed by Bilal Ag Acharif, the NMLA is a fusion of several rebel movements, including the National Movement of Azawad, the Tuareg Movement in Northern Mali and the Popular Movement of Azawad. Several former Tuareg rebel groups from the deposed regime of Muammar Gaddafi have reinforced the NMLA.

Alongside the MNLA, dissident members of Ansar Ad-Din and the MNLA formed another group of rebel fighters in January 2013. The new organization, the Islamic Movement of Azawad (IMA), was led by Alghabass Ag Intallah and claimed the self-determination of the area commonly called Azawad.

And in May, a defector from the NMLA, Mohamed Ag Intallah, formed yet another group, the High Council of Azawad, which later became the HCUA, in an attempt to unify the various Tuareg rebel groups. On 18 May, Amenokal Attaher Ag Intallah publicly declared alliance with the HCUA, making it difficult for other community members to challenge the legitimacy of that organisation. On 19 May, Alghabass Ag Intallah announced the dissolution of the IMA and joined his brother, Mohamed Ag Intallah, in the HCUA. The same day, they were joined by the NMLA.

In addition to these Tuareg rebel movements there are also two main Arab and Sonrhai groups, the MAQ and the Ganda Izo, respectively. Ganda Izo, meaning Son of the Earth, emanated from the Sonrhai militia group during the rebellions of the 1990s, the Ganda Koy, and has established several militia groups in Sévaré and Gao under the leadership of Ibrahim Abba Kantao since the 2012 rebellion.

Formed in April 2012, the National Liberation Front of Azawad became the MAA in December 2012 under the leadership of Ahmed Ould Sidi Mohamed. Since the beginning of the Malian crisis, this Arab movement has deployed armed militia groups in the north composed of deserting officers from the Malian Army.

Besides these armed groups, there are also unarmed organisations whose political lobbying is of a peaceful nature. The Tuaregs, for example, have created sociopolitical groups like the Organization of Civil Societies of Azawad and the Platform of Kel Tamasheq. Other civil movements include the Association of Malians from the north, the Association of Black Tamasheq and the Patriotic Resistance Forces, which is the political wing of the Ganda Koy.

Given this sociologically diverse environment, it is important for the Malian authorities and international partners to take into account the legitimate claims of all communities for the establishment of a lasting peace in the country. The various Tuareg armed groups, under the umbrella of the HCUA, who were invited to the negotiating table in Ouagadougou earlier this month, are mainly composed of people from the Ifoghas tribe. However, these represent only a small portion of the Tuareg community, and the Tuaregs are a minority group in northern Mali. Most Tuaregs do not belong to any armed group and are based in Bamako or live in refugee camps in neighbouring countries.

In settling recent rebellions, agreements have been made with armed groups that the government and many Malians consider unfair. Underdevelopment, governance, social cohesion and security are issues that concern all Malian communities in both the north and south. These issues, although not included in the Ouagadougou Agreement, are essential to a sustainable resolution of the crisis and should be at the centre of negotiations conducted by the elected government.

Baba Dakono, Junior Fellow, Conflict Prevention and Risk Analysis Division, ISS Dakar

Development partners
The publication of this article was made possible by a grant from the International Development Research Center (IDRC), Ottawa, Canada.
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