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Les drones marins menacent la sécurité maritime de l’Afrique

Les avancées technologiques obligent les États africains à se préparer à la menace des USV.

Le déploiement de drones maritimes dans des opérations offensives en mer Noire et en mer Rouge donne un aperçu de l’avenir de la guerre navale. Le 18 février, le commandement central des États-Unis a rapporté la première utilisation de navires de surface sans équipage (USV) par les rebelles houthis en mer Rouge. L’attaque a échoué et lesdits navires ont été détruits.

Un USV, ou drone maritime est un bateau sans pilote, télécommandé. Des variantes sont déjà utilisées pour la surveillance et le contrôle des ports et des installations pétrolières et gazières en mer, la détection de la pollution marine et effectuer des relevés océanographiques.

Bien qu’ils ne soient pas nouveaux, leur déploiement récent témoigne d’une avancée technologique significative dans les opérations navales. Cette prolifération dépasse les mesures législatives et défensives des pays africains. Face aux défis sécuritaires maritimes et à la vulnérabilité des frontières, l’Afrique est-elle prête pour l’avènement des systèmes maritimes sans équipage ?

Le domaine qui attire le plus l’attention publique, et où le déploiement des systèmes sans équipage devrait être le plus rapide, est celui des attaques directes contre les navires et les infrastructures maritimes. L’utilisation de ces systèmes par les rebelles houthis en est un exemple. Ces incidents suscitent un intérêt croissant des forces navales mondiales pour leur potentiel d’impact stratégique.

Quatre éléments expliquent cet intérêt. Premièrement, leur moindre coût à l’acquisition, de maintenance et d’exploitation, comparé aux moyens navals traditionnels. Ils se déclinent en différentes tailles et formes, des vedettes rapides réaménagées à des navires spécialisés, avec des coûts de fabrication qui varient selon les spécifications. Les prix des drones marins utilisés par l’Ukraine, par exemple, sont évalués à environ 250 000 dollars US pièce, tandis qu’une corvette récemment construite pour l’Ukraine a coûté environ 128 millions de dollars US.

Les États africains doivent explorer de nouvelles technologies

Ensuite, la facilité relative de leur fabrication. En effet, ces navires autonomes peuvent être assemblés à partir de composants à double usage disponibles sur le marché, ce qui rend certains modèles actuellement déployés en mer Noire « prêts à l’emploi » après l’adaptation de moteurs et d’autres éléments de jet skis commerciaux.

Troisièmement, la conception et les matériaux des navires sans équipage sont des défis pour les forces navales conventionnelles. Leur détection et leur identification sont complexes sur l’eau ou sous l’eau. Du fait de leur petite taille, de leur vitesse et de leur maniabilité, ils sont également difficiles à détruire. Quatrièmement, certaines de leurs variantes ont une portée opérationnelle de plus de 800 km, ce qui accroît leur polyvalence.

Le succès du déploiement de navires autonomes, particulièrement dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne, valide le concept pour les principaux fabricants d’armes. Le Royaume-Uni, la France, la Turquie et la Chine développent une technologie sophistiquée de drones navals, tandis que d’autres pays, dont l’Afrique du Sud, intensifient leurs efforts dans ce domaine.

Les États-Unis envisagent l’acquisition de grands USV pour des missions maritimes offensives et des USV moyens pour la surveillance et la collecte de renseignements, la reconnaissance, l’approvisionnement et la guerre électronique.

Cependant, ce qui rend les navires autonomes attrayants et innovants pour les marines conventionnelles les rend également attrayants pour les acteurs non étatiques.

Les systèmes autonomes doivent être rapidement déployés pour défendre les infrastructures maritimes

L’attaque infructueuse du 18 février a eu lieu quelques jours après que les garde-côtes américains en mer Rouge ont intercepté un navire en partance pour le Yémen avec à son bord diverses armes et des composants d’USV. La cargaison proviendrait d’Iran, qui investit depuis longtemps dans le développement de capacités navales non conventionnelles, y compris des variantes d’USV.

Les Houthis ont recours aux drones maritimes dans leurs opérations militaires, avec leur déploiement le plus notable en 2016, lorsqu’un USV a endommagé une frégate saoudienne et causé la mort de deux marins.

Actuellement, la prolifération des USV semble être due au fait que les États fournissent les technologies existantes à des acteurs non étatiques. Le transfert de ces capacités à d’autres groupes accroît alors le danger.

Ceci se vérifie en particulier pour les États africains qui manquent de ressources pour surveiller efficacement leurs zones maritimes, faire obstacle à la contrebande et répondre rapidement aux incidents de sécurité maritime. Bien que les Houthis ne soient pas directement liés aux groupes armés qui opèrent en Afrique, une route de contrebande d’armes entre le Yémen et la Somalie est bien documentée. L’introduction de navires sans équipage pourrait aggraver l’insécurité maritime en Afrique.

Il semble que les trafiquants de drogue aient également envisagé d’utiliser des systèmes sans pilote dans leurs opérations sur le continent. En juillet 2022, la police espagnole a intercepté trois drones sous-marins destinés à soutenir les opérations de trafiquants de drogue depuis le Maroc. Ce premier incident suggère que l’utilisation de tels engins à des fins de trafic pourrait se développer.

Un drone maritime coûte infiniment moins à l’Ukraine qu’une corvette

La probabilité que des criminels utilisent des USV en Afrique dépend principalement de l’équilibre perçu entre les risques et les avantages. Carina Bruwer, chercheuse principale au projet ENACT de l’Institut d’études de sécurité, déclare : « De nombreuses marchandises illégales, comme les drogues, sont encore transportées par des moyens peu sophistiqués, tels que les boutres et les porte-conteneurs. Cela montre que ces méthodes sont encore perçues comme faciles à mettre en œuvre ».

Pour l’instant, le coût relativement élevé de l’utilisation des systèmes sans pilote pour le trafic, comparé aux méthodes conventionnelles, est probablement un obstacle pour les réseaux criminels. Cependant, cet équilibre pourrait évoluer si le prix de ces équipements devenait plus accessible aux groupes militaires non étatiques. Les pays africains devraient anticiper une augmentation de l’utilisation de navires télécommandés par les criminels.

Pour résoudre le problème émergent des USV, il peut être nécessaire de tirer parti de solutions sans équipage. Le 3 janvier, l’US Navy a créé un nouveau groupe de travail chargé d’intégrer des systèmes sans équipage et l’intelligence artificielle dans les opérations de la cinquième flotte américaine. Cette initiative vise à renforcer la sécurité maritime dans la zone où opère la flotte, qui couvre l’océan Indien occidental et la mer Rouge.

Le déploiement de ces systèmes au sein d’une flotte hybride intervenant à proximité du continent africain pourrait être riche d’enseignements pour les marines africaines. L’adoption de plateformes similaires pourrait renforcer leur capacité à lutter contre la criminalité maritime, en améliorant la détection et l’identification des navires, y compris des petites embarcations.

À l’instar des groupes armés non étatiques et des réseaux criminels, les États africains doivent tester l’efficacité et l’utilité des systèmes autonomes. Ils doivent en appréhender la menace potentielle et identifier les lacunes juridiques afin d’atténuer les conséquences de leur propagation inévitable.

Deux mesures devraient être adoptées en priorité : renforcer la capacité des organes chargés de l’application du droit maritime à détecter et à répondre à l’utilisation non autorisée des USV et adopter une législation adéquate pour poursuivre les futures infractions.

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